Lorsque, un soir de février 2020 à Aix-en-Provence, Jean-Michel Bardez rejoint de façon impromptue le quartet de Leila Olivesi pour une somptueuse pièce improvisée à cinq musiciens, sublimant les univers déjà pluriels de chacun, aucun des deux ne se doute que cette rencontre va être le point de départ d’une aventure poly-artistique inédite.
Très rapidement surgit l’idée de créer un objet hybridant peinture, poésie et musique, sans imposer de hiérarchie entre ces disciplines. À cette fin apparait la nécessité d’explorer des contrées inconnues et de mettre en place de nouvelles pratiques d’écoute et de circulation des événements entre les différents intervenants.
Un tel projet aurait pu accoucher d’un résultat, certes intellectuellement intéressant, mais vain et froid, s’il n’avait été frappé du sceau de l’amitié entre les participants. Car seule l’amitié peut transcender la rigueur de l’expression artistique la plus élevée et la rendre accessible comme dans cet étonnant « Échos ».
C’est donc une sorte de Ligue des Amis Extraordinaires qui a mis en musique, en dessins et en mots les talents de chacun de ses membres : la richesse timbrale et la polyvalence esthétique de Manu Codjia, l’ouverture sonore et la vision artistique de Donald Kontomanou, l’imagination de la compositrice et cheffe d’orchestre Leila Olivesi - qui partage le jeu entre piano et piano préparé avec Jean-Michel Bardez - , la créativité de ce dernier à travers ses peintures et encres toutes en finesse et intensité, la force et la fougue de Jean-Marc Chouvel, le talent poétique de Lucie Taïeb - qui réinterprète le mythe d’Écho et Narcisse avec musicalité et malice - et enfin la science du son de Gilles Olivesi, contribution essentielle du design sonore.
Une équipe de rêve... qui joue en équipe : chaque acteur de cet enregistrement réagit au jeu de ses partenaires/amis et les emmène plus loin, plus haut avant de se laisser emporter à son tour par le flux. Les musiciens regardent les peintures en jouant, s’inspirent de poésie, l’ingénieur du son s’immerge dans les images et les mots, la poétesse dans la musique pour clore son cycle. À l’arrivée, la réussite artistique est totale : le tout est supérieur à la somme des parties.
Pour que le tableau soit complet, il manquait un acteur... l’auditeur lui-même qui, au moyen d’un site web interactif, devient décideur de sa propre compréhension de l’oeuvre, et achève de faire d’« Échos » un objet artistique unique.
Jean-Jacques Leca, août 2024