Y.Seffer : "Délire" - Chronique de Jean-Marc Bailleux parue dans Rock and Folk fin 1976 ou début 1977 (couplée avec la chronique de « Kawana »)
(reproduction avec l'aimable autorisation de Jean-Marc Bailleux)
« Délire» demande plus de concentration, mais Yochk'o «Neffesh-Music» Seffer l'a savamment construit pour nous faciliter la tâche: la première face est
dans la lignée de «Shekina », à cette différence près qu'à l'exception de la batterie de Jean-My Truong, Jeff y tient tous les instruments : saxophone,
piano, synthé ... accompagné par le quatuor Margand. Le premier morceau, après une intro des cordes, se développe comme une longue conversation entre le
moog basse et le ténor. Alors que le morceau qui suit, tout comme «Delire» qui couvre presque toute la seconde face, se développe, lui, à la manière du
«Luminescence» de Keith Jarrett (dont il faudra bien que je vous parle un jour): improvisation du piano et du sax alto sur un fond de cordes écrites. La
sonorité de Seffer rappelant d'ailleurs étrangement celle de Jan Garbarek, le saxophoniste de Jarrett. C'est très fort. Le dernier morceau de la face (je
n'en ai aucun titre) est une pièce dans la lignée de « Free-Folk» où Yochk'o fait la preuve de ses talents de pianiste, en particulier dans un solo de
synthé très jazz-rock new-yorkais, en plus éclaté.
« Délire» est le plat de résistance, l'entrée en force d'une certaine musique contemporaine dans une aire rock. La partition du quatuor est très
impressionnante et l'interprétation admirable, en particulier le premier violon. Là-dessus, Yochk'o y délire» au piano dans un style qui évoque à la fois
Cecil Taylor et Keith Tippett, et au sax en particulier dans un très beau duo avec le premier violon. Une porte s'ouvre… « Ima», le dernier morceau,
tranche avec le reste: c'est une splendide mélopée où le tuyau d'aspirateur à anche installe une sorte de drone sur lequel Yochk'o vient faire des
variations, des vocalises et des petits clapotis de sax ( !); et ça marche, c'est totalement envoûtant. Ce morceau sera repris tel quel en intro au
second disque de la Neffesh-Music, agrémenté d'un chœur de vingt-quatre voix toutes entièrement réalisé par Yochk'o Seffer, et d'une partition de cordes.
Cela promet. - JEAN-MARC BAILLEUX.
Y.Seffer : "Délire" - "Magyar-Lô" - Chronique de Denis Constant parue dans Jazz Magazine n°259 en novembre 1977 (reproduction avec l'aimable autorisation de Jazz Magazine)
Aimer Bartok, Cecil Taylor et les rythmes binaires : mettre tout cela dans sa musique et lui donner pourtant un cachet, un son qui n'appartiennent qu'à elle: c'est la gageure tenue parYochk'o Seffer. Une puissance, une foultitude d'idées musicales, un souffle fantastique (au sens originel comme dérivé), une ardeur incommensurable traversant tout ce qu'il fait : des groupes avec Jeff Gilson, l'orchestre de Cagnasso, celui de Manuel Villaroel, le premier Magma, Perception, Zao, et maintenant ce qui s'appelle à la fois Yochk'o Seffer Group et Neffesh Music. Ce dernier représentant l'aboutissement de ce qu'il définit lui-même comme ses élucubrations; des élucubrations bien organisées d'ailleurs et résultant d'un travail acharné mais où effectivement s'épanouit le grain de folie qui l'anime. La multi-instrumentalité qui déborde maintenant le cadre des anches pour toucher au piano, au synthétiseur, à la voix utilisée en falsetto; l'écriture qui prend une part de plus en plus importante et sait à merveille utiliser les ressources du quatuor à cordes; et toujours la touche de Magyar, le folklore onirique de la Hongrie d'enfance qui se joue dans les mélodies mais aussi dans le développement, le déferlement de l'improvisation. C'est ce déferlement qui s'exprime dans le disque en solo et convainc dans l'ensemble. Le disque de groupe le complète et l'amplifie qui montre les possibilités étonnantes d'un alliage ici tout juste esquissé, malgré certaines raideurs dues à l' enregistrement séparé du quatuor à cordes. Ajoutons que, dans ce disque, le binaire n'apparaît pas aussi envahissant qu'en concert. - DENIS CONSTANT.