Chronique parue sur le blog KosmïkMuzïk le 7 janvier 2023
Y.Seffer aura 84 ans cette année. Avec un tel parcours, on pourrait s’attendre à ce que l’artiste s’efface peu à peu, pris par d’autres priorités. Mais le besoin de créer, de jouer, est sans doute le moteur de ce musicien hors des sentiers battus.
Il y a trois ans, un nouvel album de la Neffesh Music avait vu le jour comme un clin d’oeil aux années 70. Pour ce nouvel album, il retrouve le percussionniste François Causse(Ethnic Trio, Zao…) dans un dédale de sons illustrant habilement les obsessions sonores de Seffer comme une forme de synthèse d’un cheminement unique. Le travail sur les orchestrations est assez bluffant et on oublie très vite ce qui est du ressort des machines ou des humains. Jean-Christophe Alluin
Et comme deux avis valent mieux qu’un, voici ce que Thierry Moreau nous a écrit au sujet de ce disque…
On ne présente plus François Causse et Yochk’o Seffer, du moins dans les sphères qui nous concernent.
Elektrofar (concerto pour robots-percussionistes) revêt l’habillage de l’innovation ancré dans le sillage du fragile équilibre entre l’expérimentation, la rigueur d’intentions.
Confronter l’homme et les machines n’est pas nouveau en soi, dans un autre registre Kraftwerk avait innové dans la mouvance électronique de Düsseldorf, mais ici on se positionne plus dans le brouillage de pistes, qui est qui? qui fait quoi?
L’oreille se fait prendre au piège, est-on dans l’avant-garde jazz, le jazz-rock, l’expérimental, le free, musique écrite, improvisée, programmée, aléatoire?
Peu importe les classements.
L’homme et les robots sont en symbiose, un duo/duel en confrontation mais ici fusionné dans une cohérence où l’homme, les hommes restent les maitres d’oeuvre. On retrouve l’assiste pianistique et la rigueur légendaire du soufflant Yochk’o Seffer, et les références à Béla Bartók (Musique pour cordes, percussion et célesta) entre autres.
On ne peut s’empêcher de penser en résonances lointaines aux percussions de Moondog, Stomu Yamash’ta ou Karlheinz Stockhausen, Art Zoyd Studio, l’armée de robots-percussionnistes martèlent comme un seul homme cet opus, les percussions acoustiques en surimpressions de François causse exultent dans des soubressauts percussifs acoustiques haletants. Le travail de François Causse est impressionnant tant par sa novation que par sa précision.
On aura pu se dire qu’un tel disque aurait pu être ennuyeux mais non, les cordes apportent une orchestration presque hollywoodienne décalée, une musique de film possible, mais qui reste de la musique vivante et vibrante.
(ACEL 029. Inouie distribution)
Thierry Moreau
Chronique parue sur dans Rythmes Croisés le 29 décembre 2022
Ce disque relève de la science-fiction. N’allez pas vous imaginer par là qu’il contient de la musique science-fictionesque (encore que…) ou bien qu’il s’agit de la bande originale d’un film de science-fiction. Non, son sous-titre n’a rien d’un gag, il contient bel et bien un Concerto pour robots-percussionnistes ; et sa conception même pourrait faire dire à n’importe quel auditeur candide « c’est de la science-fiction ! ». Il fallait bien des têtes brûlées pour oser pareille aventure, et quand on connaît un tant soi peu le pedigree de François CAUSSE et de Yochk’o SEFFER, on ne peut être qu’à moitié étonnés.
Le premier, batteur-percussionniste d’origine tahitienne, a eu un parcours pour le moins éclectique : s’il a commencé à jouer pour Bernard LAVILLIERS dès l’âge de quinze ans, il a depuis accompagné des formations aussi variées que l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, GONG, Christian VANDER OFFERING, et a joué aux côtés de Didier LOCKWOOD, Hubert-Félix THIEFAINE, Alain BASHUNG, Ima SUMAC, Percy SLEDGE, Jean-François PAUVROS et Keiji HAÏNO, Charlélie COUTURE, « M », etc.
Le second, saxophoniste, clarinettiste, pianiste et joueur de tarogato hongrois, a participé, voire fondé, certaines des créations et des formations dont la visée artistique était résolument au carrefour du jazz-rock, du free jazz et de la musique contemporaine, comme PERCEPTION, MAGMA, ZAO, SPEED LIMIT, NEFFESH MUSIC, sans parler de sa carrière soliste plantureuse et de sa discographie qui ne l’est pas moins (dont certains fleurons ont été chroniqués dans les pages de ce site) !
SEFFER et CAUSSE ont aussi croisé le fer ensemble à plusieurs reprises, notamment dans la reformation de ZAO dans les années 2000, et dans l’une de ses formations dérivées, ETHNIC TRIO, en compagnie de feu le pianiste François « Faton » CAHEN, mais ils n’avaient encore jamais réalisé d’album ensemble. Pour autant, on aurait un peu de mal à dire que ce disque est l’œuvre d’un duo puisque les deux compères ne sont pas seuls à y jouer. Ils sont en effet accompagnés par (à moins qu’ils n’accompagnent eux-mêmes) une garnison de robots-percussionnistes.
Ces derniers ont été conçus il y a déjà quelques lustres par François CAUSSE et un ami d’enfance, le sculpteur-inventeur Alain MILON. Leur idée était de construire une machine jouant de la batterie encore mieux qu’un être humain ! C’était sans doute quelque peu présomptueux, mais au fil du temps, et la technologie MIDI aidant, ils sont parvenus à programmer des compositions entières pour leur machinerie percussive, qui a su intégrer la souplesse, la vélocité et les nuances de jeu d’un vrai batteur. Alain BASHUNG et Mathieu CHEDID les ont notamment « recruté » pour des spectacles.
Depuis, CAUSSE et MILON ont encore perfectionné leurs robots-percussionnistes et les ont mis au niveau des possibilités informatiques actuelles, en leur programmant qui plus est un « toucher » jazz.
Inspiré par ses années où il jouait avec les Percussions de Strasbourg, François CAUSSE eut l’idée de réaliser une musique contemporaine avec ces machines, et a convié fort logiquement Yochk’o SEFFER, jamais frileux dès qu’il s’agit de s’investir dans un projet innovant, et ce à plus de 80 ans s’il vous plaît !
Fruit de cette singulière exploration sonore, Elektrofar contient neuf compositions conçues par Yochk’o qui en a écrit les notes, et François, qui les a calculé et programmé, tout en s’investissant aussi dans la composition, mais d’une autre manière, et leur interprétation est assurée par les robots-percussionnistes, avec le concours de ces deux énergumènes humains.
À l’écoute, on pourrait très bien se persuader que l’on écoute un disque de SEFFER et CAUSSE en compagnie d’un orchestre comprenant cordes, cuivres, percussions, batterie et piano. Si l’on est a priori loin de la musique jouée à l’époque par ZAO ou ETHNIC TRIO, on en retrouve les ingrédients, les composantes, les influences, les aspirations, bref tout l’univers que CAUSSE et SEFFER nous ont habitués à découvrir auparavant, avec toujours ce souci de brouiller les pistes entre écriture savante et improvisation. Sauf que tout cela est joué par des robots-percussionnistes dont ils ne sont que les accompagnants.
Bien malin qui pourrait dire où et quand ce sont les humains qui jouent ou les machines. Même une oreille affûtée finira par reconnaître que ces robots, en dépit de leur nature – et donc de leur limite – mécanique, ont su intégrer une part de « groove », à force de décalages subtils et d’effets de ralentissements qui tempèrent leur jeu en mode bûcheron, et savent même improviser, même si c’est de façon accidentelle. Car, comme l’explique François CAUSSE, ces machines étant très lourdes, elles bougent quand elles jouent ! Aussi, bien qu’agissant en fonction d’une programmation horlogère haute précision, de légers mouvements peuvent se produire qui décalent subtilement leurs frappes. Néanmoins, elles n’en sont pas encore au point de reproduire ni de dépasser le toucher et le « swing » humains (mais ce n’est peut-être qu’une question de temps…).
Faut-il voir dans Elektrofar l’exposé d’une confrontation homme/machine ou d’une collaboration entre outils et créateurs ? Il fait en tout cas état d’un nouveau dépassement dans le parcours artistique des deux musiciens qui l’ont confectionné. Elektrofar, ou les aventures de François CAUSSE et Yochk’o SEFFER au pays de Westworld, est une expérience à tenter absolument.
Stéphane Fougère
Chronique parue dans Eurock Magazine
I Close this weeks Program with a preview from the brand NEW album ELEKTROFAR (Concerto Pour Robots & Percussionists) by Yochk’o Seffer & François Causse.
It’s scheduled to be released in France on the ACEL label SEPT 9, 2022 with the help of CNM & SCPP).
Yochk’o’s familiar saxophone foray’s into celestial jazz & strange electronic embellishments, together with the incredible array of François’s percussive pyrotechnics will have your head spinning & your ears filled with an alchemy tone colors that only Yochk’o could have conjured up.
Archie Patterson